Deux voyages qui se terminent

Il n’y a encore pas si longtemps, quand on me parlait d’incentive, j’avais tendance à vouloir mordre. Il faut dire que j’ai travaillé pour certaines entreprises qui étaient plus habiles à tendre le bâton que la carotte. Dans ces boîtes, la direction attendait de nous que nous nous donnions à fond mais on donnait très peu pour rétribuer nos efforts. Et se donner à 300 % pendant des mois pour remporter au final une prime misérable. La société pour laquelle je travaille désormais semble cependant avoir lu quelques bouquins de management. Et quand elle met en place un challenge commercial, la dotation est proportionnelle à l’effort. Et ça, ça change tout. Du coup, c’est avec le sourire que je découvre les nouveaux incentives, et je me donne à 200 %. C’est comme ça que j’ai déjà remporté un portable, des séjoursde luxe, des places VIP pour des matchs de foot… Si j’étais déjà satisfait de ce quatorzième mois, il y a quelques semaines, j’ai toutefois décroché le gros lot : un voyage de 5 jours en Espagne ! Au début, j’admets que je n’étais pas vraiment pressé à cette idée. J’aurais préféré effectuer ce voyage avec ma chère et tendre. Parce que voyage avait lieu entre collègues, bien sûr. L’idée de départ me dérangeait assez. Un voyage entre collègues, ce n’est pas véritablement du travail, mais ce n’est pas non plus des vacances. J’imagine que c’est la même chose pour tous : on ne se conduit pas au travail comme chez soi. Il y a un rôle à jouer, le rôle du gars qui se relâche parce que c’est ce qu’il est censé faire, mais tout en prenant garde à son attitude, car ses collaborateurs n’oublieront pas. Enfin, ça, c’est ce que je croyais. Une fois sur place, j’ai surtout pris conscience qu’un voyage entre collègues, ça permet tout autant d’être naturel. Mais d’un naturel un peu différent de celui qu’on a avec sa femme. J’ai eu mal au crâne durant ce voyage, mais je dois dire que ça fait quand même du bien. Je craignais par-dessus tout que les activités organisées sur place soient une catastrophe. Vous savez, le genre d’ activité où vous avez l’impression d’être du bétail touristique. J’ai déjà vécu ce genre de moment au cours d’un voyage avec ma femme, et ça ne m’a vraiment pas plu. Mais ma société a, là aussi, su s’en sortir avec les honneurs : elle a fait appel à une agence événementielle qui a tout organisé de bout en bout, et nous a proposé un voyage vraiment authentique. Si celui-ci était au final assez riche, ça a été un vrai plaisir : nous n’avons pas eu affaire à un séjour touristique (le colon blanc venu s’encanailler chez les indigènes), mais d’un séjour authentique où nous avons non seulement découvert la culture locale mais également échangé avec les habitants et les autres collègues. Je craignais surtout que les activités proposées sur place soient navrantes. Vous savez, le genre d’activité qui semble avoir été prévue par un animateur de centre aéré incapable de comprendre qu’il avait affaire à des adultes. Mon entreprise a gagné sur les deux tableaux, sur ce coup-là : elle a satisfait ses collaborateurs en leur présentant un voyage, challenge commercial mais a surtout contribué à améliorer la communication entre ceux-ci. Je pense que je suis d’une certaine manière arrivé à destination. Il y a eu une période où je changeais d’entreprise comme de chemise. Alors qu’aujourd’hui, je ne regarde même plus regarder si l’herbe est plus verte ailleurs. Et vous savez quoi ? Ca fait du bien, de poser son barda.

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