Economie de conflit au Moyen Orient

Les conflits en Irak, en Libye, en Syrie et au Yémen ont tué des centaines de milliers de personnes et déplacé des millions. En cherchant à expliquer la violence qui a frappé le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) au cours des deux dernières décennies, l’analyse a jusqu’à présent porté principalement sur les facteurs idéologiques et identitaires. Ce rapport élargit ce discours en incorporant des approches adoptées à partir de la littérature sur l’économie politique de la guerre pour examiner les économies de conflit de l’Irak, de la Libye, de la Syrie et du Yémen. Les motivations économiques, au niveau individuel et au niveau du groupe, sont essentielles pour comprendre les guerres dans ces pays, mais ont tendance à être négligées dans le contexte de la région MENA. (Au fur et à mesure que les guerres ont progressé et évolué, les économies nationales et locales dans lesquelles le conflit est ancré ont également changé.) Ces motivations peuvent offrir une explication alternative ou complémentaire de l’appartenance à un groupe armé et de son comportement. Alors que certains groupes se battront pour promouvoir ou défendre une identité particulière, d’autres se battent pour la survie ou l’enrichissement économique. Pour de nombreux autres acteurs, ces motivations sont liées, et séparer «avidité» et «grief» est une tâche difficile, voire impossible. Même si les motivations économiques n’ont pas déclenché les guerres en Irak, en Libye, en Syrie et au Yémen au départ, il est clair que de tels facteurs jouent désormais un rôle essentiel dans la persistance de combats ouverts, de violences localisées et de coercition. Les objectifs de ce rapport sont doubles. Premièrement, il cherche à développer un cadre d’analyse comparative des économies de conflit au niveau local dans la région MENA. Traditionnellement, l’idée d’une économie de conflit est étroitement liée au financement des armes, des munitions et des combattants. De plus, la plupart des analyses des économies en conflit sont menées au niveau national. Même lorsque la recherche est menée sur une base régionale, la discussion de l’impact du conflit est ramenée au niveau national. En revanche, nous voyons une économie politique de guerre plus large à l’œuvre dans la région. Notre analyse illustre comment une économie de conflit est ancrée dans un système socio-politique local complexe, dans lequel de nombreuses variables et agendas interagissent. Nous évitons délibérément de caractériser les économies en conflit en termes de marchés «noirs» et «gris» qui doivent en quelque sorte être «nettoyés», car cela implique à tort qu’ils peuvent éventuellement être convertis en marchés licites comme leurs homologues en temps de paix. Une lecture plus nuancée et multiforme est essentielle. Aux fins du présent rapport, nous définissons une économie de conflit comme un système de production, de mobilisation et d’allocation de ressources pour soutenir la violence compétitive et intégrée, à la fois directement et indirectement. Deuxièmement, nous montrons qu’un cadre «d’économie politique de la guerre» offre de nouvelles approches pour réduire la violence compétitive et intégrée. La «violence concurrentielle» peut être définie comme la violence «déployée par les élites en guerre pour contester ou défendre la répartition actuelle du pouvoir». Les combats entre groupes armés rivaux pour le contrôle des ressources et des loyers, entre autres, entrent généralement dans cette catégorie. La «violence intégrée», en revanche, sous-tend «le fonctionnement d’un règlement politique, car les accords convenus entre les élites peuvent tourner autour de qui a le droit» de recourir à la violence ». Dans la pratique, cela pourrait signifier qu’un groupe est «autorisé» à recourir à la violence contre un autre groupe – et aucune sanction ne sera appliquée. Dans le contexte de cette étude, le recours à la force armée pour affirmer le statu quo et limiter le nombre de membres de l’élite dirigeante est un exemple de violence enracinée.

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